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Lumière froide et torride

Il n'y a rien de plus touchant que d'assister à la mise sur orbite d'un trajet artistique. A l'origine, l'idée plonge dans son terreau - ici la peinture -, prend forme lentement tableau après tableau au fil de l'inspiration, dans le silence de l'atelier, puis s'épaissit, se densifie, conceptualisée, et enfin mise en mots. Puis après quelques essais s'expose au grand jour.
Incontournable pour ceux qui se nourrissent d'art, la Galerie 181 accueille depuis jeudi dernier et jusqu'au 25 octobre à Palaiseau, patrie de George Sand, les œuvres de
Gesco. A la venue chaleureuse toujours appréciée des amis accourus dès l'annonce s'ajoutait la présence d'édiles, de voyageurs, de connaisseurs et d'artistes attirés par cette œuvre ainsi mise à nu.
Après "Cités perdues", précédemment exposées, voici "Terres vaines", deuxième volet d'exploration méditerranéenne inspiré, entre autre, par les vers de T.S. Eliot, thème mis en œuvre dont on perçoit la "lumière froide et torride, dixit Philippe Guillot, ancien élève des Beaux-Arts, digne de l'incendie de Londres de Turner." On écrit difficilement compliment plus soutenu.
L'œuvre ici fait chair, au sens où chacun s'implique immédiatement dans l'expression proposée pour la faire sienne, y jeter ses passions et ses troubles, y puiser calme, luxe ou volupté au gré de ses voyages intérieurs. Chaque tableau ne serait, finalement, qu'une invitation non pas à s'éloigner dans les pas de l'artiste mais plutôt à descendre en soi trouver une sensibilité qui s'évoque, à certaines heures, mais ne se partage pas.

De près s'offrent l'épaisseur du propos, la subtilité des éclats, l'enchevêtrement des traits qui forment une histoire, l'association des couleurs. En s'écartant surgit l'explosion des tons et des formes, l'alliage magique qui donne alors vie à l'œuvre. Les peintures de Gesco, qui ont leur existence propre, nous plongent en deuxième intention dans nos songes oubliés, nos rêveries de promeneur solitaire, nos pensées les plus intimes.

L'expression picturale - mais c'est valable aussi pour d'autres supports que sont la musique, la poésie et la sculpture, par exemple - est d'abord un aller-retour entre l'artiste et lui-même. Ce qui rend, et c'est le cas pour Gesco, l'unique universel, ce qui donne une plus large dimension à l'œuvre, touche à l'indicible qui circule d'une évocation personnelle de l'artiste, ce qui est déjà beaucoup, au plaisir partagé par chacun, vibration(s) prolongée(s) que chaque regard soudain ou petit à petit enveloppe et fait sien.

(Octobre 2019)

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